Cette information fait grand bruit depuis quelques heures maintenant un peu partout sur la toile et surtout sur les sites américains : un jugement du Cinquième Circuit aurait rendu le piratage de DRMs légal, ce qui aurait notamment pour effet de légaliser le jailbreak de l’iPhone, le déblocage de mobiles ou le cracking des sécurités des jeux vidéos afin d’en modifier le contenu. Décryptage à l’aide de l’article éclairé d’Engadget sur le sujet.
Avant de entrer dans le vif du sujet, de sommaires explications s’imposent :
Le circuit fédéral américain est constitué de plusieurs « circuits » dont dépendent les cas juridiques de plusieurs districts, eux-mêmes de plusieurs états. Ainsi, d’après Wikipedia, le Cinquième Circuit est compétent pour 3 districts de Louisiane, 2 du Mississipi et 4 du Texas.
Les DRMs (Digital Rights Management), toujours selon Wikipedia, ont « pour objectif de contrôler l'utilisation qui est faite des œuvres numériques, par des mesures techniques de protection ». Ce sont les satanés codes qui vous empêchent de pouvoir profiter en toute quiétude de vos contenus, que vous les ayez achetés légalement ou non. Ce sont eux qui vous rappellent que « la clé n’est pas valide » et qu’il faut « acheter une nouvelle clé pour continuer à utiliser le logiciel », eux qui font que Windows Media Player refuse de lire certains MP3, eux qui empêchent de les déplacer vers un lecteur amovible, eux encore qui limitent le nombre de copies du fichier. « A pain in the ass », comme diraient les américains.
L’affaire dont le jugement attire toute l’attention depuis hier matin oppose les entreprises américaines MGE (fournisseur d’énergie) et GE (une entreprise cliente qui apparemment redistribue de l’énergie). GE, afin de maintenir l’approvisionnement de ses clients en énergie, avait cracké le logiciel fourni par MGE et qui nécessitait normalement un dongle branché pour fonctionner. La firme avait été condamnée à verser 4.6 millions de dollars, et avait fait appel. Le Cinquième circuit a cassé la décision avec comme argument que le dongle ne faisait que protéger l’accès et non pas la copie du logiciel, et donc que le DCMA [NDT : le Digital Millenium Copyright Act, un texte de loi régissant les droits d’auteurs] n’était pas effectif. Ainsi donc, le Cinquième Circuit a rendu un jugement disant en substance que casser un DRM est légal pour en faire le simple usage.
C’est ce qu’on peut lire sur la majorité des sites américains qui traitent de nouvelles technologies – et qui fait rêver les lecteurs américains. Voici une traduction du texte officiel du Cinquième circuit :
Simplement contourner une protection technologique qui empêche un utilisateur de consulter ou utiliser un fichier de travail est insuffisant pour invoquer la disposition anti-contournement du DMCA. Le DMCA interdit les seules formes d’accès qui violeraient ou affecteraient les protections que le Copyright Act permet aux détenteurs du copyright… Les dispositions technologiques du propriétaire doivent protéger le contenu copyrighté contre une violation d’un droit que le Copyright Act protège, pas d’usages autres ou de la consultation.
Dit autrement, un utilisateur qui ne peut plus accéder au contenu créé à partir du logiciel est dans son droit s’il viole le DRM afin d’utiliser le logiciel pour consulter/utiliser ses fichiers personnels. Cette décision semble venir en opposé à des décisions précédentes rendues par d’autres circuits, sans pour autant être un évènement sans précédent, car d’autres décisions avaient déjà été plus ou moins dans le même sens, explique Engadget.
D’après le site qui ne s’est pas contenté de relayer la nouvelle, mais a offert une réelle analyse du sujet, ces affirmations sont loin d’être concrètes pour deux raisons. Tout d’abord, car le champ d’application de cette décision, qui pourrait faire jurisprudence dans des affaires ultérieures, ne concerne que les districts sous la juridiction du Cinquième Circuit (autant dire le coin pommé des USA). Pour qu’elle soit applicable à l’ensemble du territoire, elle devra être confirmée par une décision de la Cour Suprême. Deuxièmement, toujours selon Engadget, la clé de la décision réside dans le fait que les dispositions du DMCA ne sont valides que si le DRM vise à empêcher la copie non autorisée du logiciel, or la première chose interdite par la loi sur les copyrights est justement de faire des copies non autorisées. Comme aucune mention n’autorise l’utilisateur à faire des copies dans le cas présent, cette interdiction pourrait passer pour implicite (et nul n’est censé ignorer la loi, n’est-ce pas ^_-).
Ce genre de cas où un circuit interprète un texte de loi différemment est de la compétence de la Cour Suprême qui va confirmer ou non cette interprétation (et la rendra utilisable dans tous les états). C’est donc apparemment ce détail qui fera pencher la balance de la justice.
Dans le cas où le jugement serait validé, cela remettrait les DRMs au devant des débats et serait un pas en avant considérable dans la lutte contre les DRMs. Les Etats-Unis étant souvent les précurseurs dans toutes sortes de mouvements, cette affaire est à suivre de près.